Quel est votre poste actuel ? Que faites-vous réellement ?
J’occupe actuellement le poste de « Coordinateur eau et habitat pour le Liban » au sein du Comité international de la Croix-Rouge (ICRC). À ce titre, j’agis en tant que chef de l’ingénierie pour le CICR au Liban. Je supervise toutes les activités d’ingénierie humanitaire menées par une équipe d’une vingtaine d’ingénieurs du CICR dans le pays, dans le but de créer ou de maintenir des environnements de vie durables.
Pouvez-vous nous donner un exemple de projet humanitaire auquel vous avez récemment participé ?
Dans le cadre de son mandat fondé sur les Conventions de Genève, le CICR met en œuvre une grande variété de projets humanitaires en faveur des communautés d’accueil et de réfugiés au Liban. Dans le domaine de l’ingénierie, nous nous concentrons principalement sur l’ingénierie de la santé publique, motivés par le désir de restaurer ou de maintenir l’accès aux services essentiels tels que l’eau, les eaux usées, l’électricité ou les soins de santé. Nos activités vont de projets de base tels que l’installation de latrines simples et de réservoirs d’eau dans les camps de réfugiés syriens à des projets complexes visant à réduire les pertes d’eau dans les grands systèmes urbains d’approvisionnement en eau, comme dans la ville de Tripoli. Nous soutenons également les deux plus grands hôpitaux du pays, dans le but d’offrir des services de santé de qualité soutenus par des infrastructures adéquates et en bon état de fonctionnement.
Quels sont les principaux défis dans votre travail ?
Les principaux défis auxquels nous sommes confrontés au Liban sont la grave crise économique et son impact multidimensionnel sur la vie des habitants ainsi que sur les infrastructures essentielles. Les populations les plus vulnérables ne sont plus en mesure de couvrir financièrement leurs besoins fondamentaux tels que l’eau, la nourriture ou le loyer. En raison de la crise économique, de nombreuses personnes, anciennement issues de la classe moyenne, n’ont plus les moyens de couvrir les frais de subsistance de leur famille. Les services publics fournissant des services essentiels tels que l’eau, l’électricité ou les soins de santé ne sont plus en mesure de couvrir leurs coûts de fonctionnement et d’entretien. Par exemple, la valeur réelle du salaire d’un opérateur de station de pompage d’eau est aujourd’hui d’environ 40 USD par mois, ce qui n’est pas suffisant pour acheter de la nourriture pour le mois ou pour conduire la voiture tous les jours pour se rendre au travail.
Le principal défi consiste à identifier la meilleure façon de fournir les services humanitaires du CICR conformément au mandat de l’organisation, en répondant aux besoins les plus urgents de la manière la plus efficace possible, tout en gardant à l’esprit l’impact à plus long terme et, à terme, le rétablissement de la crise.
Comment pensez-vous que la méthode PRINCE2 peut vous aider dans votre rôle ?
La compréhension de la méthode PRINCE2 présente des avantages directs et indirects.
PRINCE2 est la méthode de gestion de projet de prédilection pour les grands projets institutionnels au niveau du siège et est généralement très répandue dans le secteur humanitaire ; il s’agit en quelque sorte de la « norme industrielle » en matière de gestion de projet. Une solide compréhension de PRINCE2 me permet à la fois de contribuer en tant que membre informé d’une équipe de projet et de suivre des initiatives plus importantes avec une bonne compréhension lorsque je n’y suis pas directement impliqué.
Pour les projets mis en place sur le terrain, PRINCE2 n’est pas toujours directement applicable mais doit être (souvent fortement) adapté aux contextes très variables. Cependant, le fait d’avoir cette méthode comme base solide me permet d’accompagner mes collègues lors de l’élaboration des projets, en les « intégrant » d’abord en tant qu’activités planifiées, mais aussi de guider ces activités tout au long de la mise en place par la suite. Notre travail étant souvent de nature très pluridisciplinaire, nous devons nous assurer que tous les collègues sont impliqués et capables de contribuer à la réussite des activités. Cela ne va pas toujours de soi et une bonne compréhension de PRINCE2 permet d’analyser les écarts par rapport à la situation idéale, de définir les rôles et les responsabilités, d’assurer une bonne circulation de l’information et, en fin de compte, de diriger des équipes de projet motivées.
Quelles sont les trois choses que vous vous êtes dites que vous aimeriez apprendre dans un avenir proche pour vous développer en tant que professionnel ?
Ayant récemment terminé avec succès un master exécutif en administration des affaires, PRINCE2 Practitioner et PROSCI Change Practitioner, je vois maintenant une phase de consolidation de ces connaissances nouvellement acquises, en essayant de les traduire en activités tangibles et en savoir-faire appris sur le terrain.
Dans le cadre de mes nouvelles fonctions au siège, je superviserai les activités d’ingénierie du CICR dans la région du Proche et du Moyen-Orient. De nouveaux besoins à étudier plus avant apparaîtront très bientôt. Les besoins humanitaires dans la région du Proche et Moyen-Orient sont énormes, principalement liés à la pénurie d’eau (extrême), exacerbée par les effets de conflits prolongés. Le manque d’accès à l’eau potable entraîne de graves risques pour la santé publique, comme l’épidémie de choléra au Yémen. Les organisations humanitaires ne sont pas en mesure de relever seules ce défi et des partenariats innovants avec des organisations de développement et le secteur privé sont nécessaires pour continuer à protéger la santé publique des communautés touchées par les conflits.
Pour pouvoir m’engager efficacement avec des partenaires dans la résolution de ces problèmes, je devrai poursuivre mes études afin d’établir un terrain d’entente qui permette de développer des projets complexes et à long terme. Le cadre environnemental et social (ESF) de la Banque mondiale ou des modèles de financement innovants pour l’action humanitaire créant une véritable valeur ajoutée pour les personnes touchées par un conflit pourraient être de tels domaines. Il pourrait également être nécessaire de mieux comprendre les modèles d’entreprise innovants qui attirent le secteur privé pour investir dans des contextes extrêmement instables, en reliant les différents éléments des objectifs de développement durable (ODD) au-delà du champ de l’aide humanitaire « traditionnelle », en particulier pour faire de l’action contre le changement climatique une partie plus intégrante de l’action humanitaire. Il est également possible d’améliorer considérablement la manière dont l’aide est fournie, en particulier en ce qui concerne l’implication des acteurs locaux. Les sujets que j’étudierai dans un avenir proche évolueront probablement autour de ces éléments.
