«Les approches agiles n’impliquent pas de planification» est certainement l’une des idées reçues les plus courantes sur l’agilité. C’est en réalité l’exact opposé!
Dans cet article, nous passerons en revue quelques conseils et techniques pour gérer le changement de manière agile et présenterons une approche pour réaliser une planification de haut niveau ainsi que les techniques nécessaires pour développer des plans spécifiques pour chaque élément de changement.
Dans notre précédente interview avec Mélanie Franklin, coprésidente du Change Management Institute UK, nous avons vu combien il est important de gérer le changement dans un monde agile. Les changements agiles sont en effet complexes et continus.
– Complexes car l’innovation continue implique une obsolescence continue, de sorte que la durée de chaque changement devient de plus en plus courte et les changements de plus en plus fréquents.
– Continus parce qu’ils font désormais partie de l’entreprise comme une activité habituelle.
Comment planifier dans un environnement agile?
Dans un contexte Agile, on parle souvent de «solution évolutive» (evolving solution). Une solution évolutive nécessite une planification continue tout en gardant en vue l’objectif final. Pour planifier chacun des changements nous avons besoin d’orientation, d’avoir un but/une destination, qui conduira à la transformation de notre façon de travailler. Il faut ensuite se demander quelle est la partie la plus utile, celle qui pourrait vraiment nous aider à atteindre l’objectif. C’est ce qu’on appelle réaliser un schéma de décomposition, où l’on prend une idée dans sa totalité et on la divise en petites parties. Il est ensuite plus facile de comprendre quelles parties réaliser en premier et lesquelles faire ultérieurement.
Il est donc conseillé d’utiliser une approche “bottom up” pour identifier le temps et les ressources nécessaires et d’en informer les parties prenantes.
Dans la planification agile, il y a une forte implication des ressources, afin qu’elles puissent réellement contribuer au projet. Il faut constamment se demander : « faisons-nous vraiment la chose la plus pertinente dans notre planification en ce moment »?
Cette activité peut sembler facile, mais ce n’est pas le cas: il est important de se demander constamment quelles composantes de l’idée finale peuvent réellement fonctionner et donner vie à l’objectif final. De cette façon on obtient une planification globale de haut niveau puis une planification plus spécifique pour chacune des parties. Avec l’agilité, le niveau de détail augmente progressivement.
Changement de comportement: qu’est-ce que c’est et pourquoi c’est important
L’une des plus grandes difficultés des approches agiles est de comprendre l’importance du changement de comportement. Souvent, l’accent est exclusivement mis sur le temps pour créer des changements techniques et tangibles, mais l’impact du changement sur la façon de travailler est sous-estimé. Les employés seront peut-être déstabilisés, leur expertise ou méthode de travail se trouvant impactées et ils devront être formés aux nouvelles techniques et aux nouveaux systèmes. Les activités de transition prennent du temps, il faut accepter le changement, partager l’objectif, accepter de faire des erreurs, continuer de s’entraîner et pratiquer les nouvelles méthodes de travail. Lorsque le changement est constant, il est essentiel que les ressources acceptent que leur travail change et donc de prendre en compte leur bien-être émotionnel.
Il est nécessaire de s’assurer que les ressources impliquées sont prêtes pour les nouvelles activités et les nouvelles façons de travailler. Il arrive souvent que la partie technique et tangible aille beaucoup plus vite et qu’une différence se crée entre les activités du projet et celles du changement. Ils se peut malheureusement que les ressources soient encore absorbées par les récentes activités de changement.
Mélanie Franklin identifie trois éléments de changement de comportement:
tester de nouvelles façons de travailler
comprendre comment faire les choses
créer de nouvelles habitudes
Par conséquent, les activités de projet et de changement de comportement doivent être synchronisées afin de ne pas avoir de nouvelles fonctionnalités ou choses que les ressources n’utilisent pas car elles ne sont pas encore en mesure de le faire.
La première étape consiste à être conscient que le changement n’est pas seulement matériel, mais qu’il affecte également les ressources humaines et leur façon de travailler. Ainsi on obtient l’équation: livraison + mise en œuvre = une nouvelle façon de travailler.
À la fin de chaque itération, les parties prenantes devraient être d’accord sur la façon de gérer le changement. Il s’agit d’une activité collaborative, puisqu’elle implique les responsables du changement et les utilisateurs.
L’importance d’une livraison ponctuelle
Respecter les délais de livraison permet d’anticiper, de savoir quand les changements arriveront et le temps nécessaire pour voir des améliorations. Diviser les activités et respecter les délais, c’est aussi donner une réponse aux ressources qui attendent le nouveau service et la nouvelle façon de travailler, ces mêmes ressources qui ont reçu les outils et la formation adaptée pour pouvoir commencer à travailler autrement. Il est important de respecter les promesses de livraison car le changement est toujours une source de stress: les ressources mettent tout en œuvre pour être prêtes et un retard pourrait augmenter l’impact émotionnel du changement. Le respect des temps est donc fondamental.
Mais comment décomposer la totalité de l’échéancier ? M. Franklin suggère des niveaux de planification (image ci-dessous)
La période donnée (timeframe) est décomposée en itérations, où les résultats (outcome) sont identifiés à la fin de chaque itération. Afin d’atteindre les différents jalons (milestone), Mélanie Franklin met en place un processus reproductible composé de 3 étapes:
Getting started
Making progress
Realising benefits
Getting started: cette première étape est un brainstorming sur toutes les activités à faire (si le projet évolue dans un environnement agile cela se fera sous forme de user stories). Il s’agit d’une activité collaborative et il est essentiel de couvrir à la fois les «livraisons» et les «transitions», liées aux activités de conduite du changement.
C’est l’occasion pour toutes les personnes impliquées de comprendre comment le temps sera géré et quelle est la meilleure façon de travailler.
Making progress: cette étape est celle qui inclut tous les changements dans les procédures de travail, c’est-à-dire les changements techniques qui entraîneront également des changements dans la façon de travailler. À la fin de cette étape, le travail effectué est passé en revue et la qualité des éléments de changement évaluée, tout en prenant en compte les différentes conséquences qu’ils impliquent.
Realising benefits: la solution/les résultats obtenus sont utilisés mais les utilisateurs essaient encore d’encourager l’élimination de tout ce qui n’est plus nécessaire. Pour finir, il est important de créer un environnement motivant, en remerciant les ressources pour le travail accompli (par exemple en partageant les remerciements d’un client pour le service).
Ces étapes offrent une structure répétable pour chaque itération utilisée pour planifier les éléments de changement Agile.