Beaucoup d’entre nous sont parfois submergés d’angoisses, de pensées ou de sentiments qui échappent à notre contrôle, pompent nos émotions et notre énergie. Nous souffrons alors de l’overthinking – des torrents de préoccupations et d’émotions négatives qui sapent notre vie quotidienne, notre bien être et peuvent aller jusqu’à ruiner notre carrière.
Tout d’abord il convient de rappeler ce qu’est l’overthinking ou rumination mentale, les différents types, comment reconnaître ce phénomène, ses causes et comment s’en sortir.
Qu’est ce que l’overthinking ? Définition
Le mot Overthinking signifie littéralement “penser trop”, entendu dans l’article comme la propension à ressasser en boucle, de façon obsessionnelle, un certain nombre de pensées ou sentiments négatifs.
Au fil de ses recherches, la professeure de psychologie et chercheuse Susan Nolen-Hoeksema a noté que l’overthinking touche davantage les femmes que les hommes et que ces dernières sont capables de ruminer sur tout et n’importe quoi, de leur apparence à leur famille, leur santé, leur carrière,… Selon elle, les femmes sont deux fois plus susceptibles de faire une dépression et il semble que l’overthinking chronique en soit une des causes principales.
Les différents types d’overthinking
Dans son livre, la chercheuse décrit 3 types d’overthinking, qui sont souvent cumulés par les overthinkers :
- L’overthinking agressif : se concentre sur les torts dont on s’imagine être victime
- L’overthinking autonome : on cherche les causes des sentiments qu’on éprouve
- L’overthinking chaotique : tous les problèmes envahissent l’esprit en même temps
Comment reconnaître l’overthinking ?
Susan Nolen-Hoeksema a mis au point un petit questionnaire afin de prendre conscience de votre degré d’overthinking :
Overthinking versus anxiété
Bien que souvent confondus, ces syndromes sont différents. Le site de référence de l’anxiété, anxiété.fr la définit comme suit :
“L’anxiété est une émotion souvent ressentie comme désagréable qui correspond à l’attente plus ou moins consciente d’un danger ou d’un problème à venir. L’anxiété est un phénomène normal, présent chez tous les individus. Elle peut cependant prendre un caractère excessif et pathologique dans différentes situations : on parlera alors de troubles anxieux.
Les sujets souffrant de troubles anxieux sont envahis par ce sentiment d’inconfort ou de peur secondaire à une anticipation excessive d’éventuelles difficultés avant même que les problèmes ne soient survenus, ou avant même que le sujet ait repéré précisément ce qu’il redoute. »
L’anxiété se traduit alors par la question “Et si ?”, par exemple “Et si j’oubliais mon texte ?”, “Et si ma connexion ne marchait pas ?”
Les overthinkers peuvent souffrir de troubles anxieux mais le syndrome ne s’arrête pas là puisqu’ils se focalisent également sur des événements du passé, des actes, des situations qu’ils auraient voulu différentes et qu’ils ressassent en boucle.
Par exemple, votre patron vous fait une remarque sur votre travail et vous passez des heures à vous demander ce qu’il a voulu dire, à ressasser votre culpabilité ou votre honte, à vous demander s’il vous méprise, si vous êtes dans une impasse professionnelle,…
Quelles sont les causes de l’overthinking ?
Une des explications à l’overthinking est d’ordre biologique. Le fonctionnement et l’organisation cérébrale facilitent la rumination mentale. Mais ce n’est pas tout, d’autres facteurs entrent en jeu et notre chercheuse suspecte les bouleversements culturels de notre histoire de jouer un rôle dans le développement de ce syndrome.
Suite à de nombreuses études, elle conclut que ce phénomène touche avant tout les jeunes générations, qui semblent avoir de grandes difficultés à surpasser les obstacles de la vie ; résultats confirmés par l’enquête conduite par Gerald Klerman et Myma Weissman de l’université Columbia.
Pour cause, on retrouve :
- Le manque de valeurs : nous vivons à une époque où la remise en cause des normes sociétales est à son apogée. La notion de réussite est de plus en plus fluctuante et la société nous enferme dans l’idée qu’on n’ a jamais assez réussi.
- L’obsession du “tout nous est dû” : toujours en quête de justice et de récompense, nous avons tendance à nous laisser envahir par la colère, l’anxiété et notre besoin de reconnaissance lorsque nous n’obtenons pas ce que nous souhaitons.
- Le besoin compulsif de palliatif : nous recherchons constamment des solutions rapides à nos problèmes, ce qui peut procurer une certaine satisfaction sur l’instant présent mais ne résout pas le fond du problème.
- La culture du nombril : la psychologie moderne a mis l’accent sur l’importance de la conscience de soi et l’expression des sentiments.
Quelles sont les conséquences de l’overthinking ?
Le danger de l’overthinking ou de la rumination mentale est souvent de se créer des problèmes qui n’existent pas, d’inventer des explications de plus en plus dramatiques et d’avoir tendance à tirer des conclusions sans tenir compte de l’autre versant de l’histoire. Sur le long terme l’overthinking peut avoir des conséquences dramatiques sur votre qualité de vie telles que :
- l’augmentation du stress, amoindrissement de la réactivité et de la prise de décision
- la détérioration des relations avec les autres
- la contribution à des troubles comportementaux ou mentaux comme la dépression, l’alcoolisme, ..
Quid de l’overthinking dans la vie professionnelle
Le milieu professionnel est propice à l’overthinking. C’est un environnement où l’on veut exceller, où nous sommes souvent jugés, ou nous devons faire nos preuves, atteindre des objectifs et interagir avec un tas de parties prenantes. Comme tous salariés, nous avons besoin de reconnaissance et de prise en compte de la valeur de notre travail et de nos compétences. Bref, le terrain parfait pour faire naître des pensées ruminantes.
Voici quelques exemples de situations d’overthinking pouvant détériorer vos relations professionnelle :
- Vous avez commis une petite erreur lors de votre dernière présentation, qui n’est pas passée inaperçue auprès de vos collègues. Vous revivez constamment ce moment embarrassant, et repassez tous vos calculs dans votre tête. Suivant votre type d’overthinking, vos réactions peuvent être différentes ; “Pourquoi me suis-je trompé? Comment ai-je pu passer à côté de ce détail évident ? Que vont penser mes collègues de moi ? Le manager va-t-il me retirer le projet ? …
Être obsédé/ée par les erreurs passées peut limiter votre potentiel au travail et nuire à votre confiance en vous, alors que bien souvent, les autres passent rapidement à autre chose et vous êtes probablement la seule personne à vous en souvenir.
- Reprenons l’exemple de votre manager qui vous a fait une réflexion sur votre travail. “Pourquoi a-t-il dit cela ? Ce n’est pas juste, je ne mérite pas cette réflexion. Pourquoi en a-t-il après moi ? Est-ce qu’il va mettre fin à mon contrat à la fin de ma période d’essai ? Pourquoi n’ai-je pas répondu cela ? …
Être obsédé par ce que votre patron ou vos collègues pensent de vous est assez malsain. Tout le monde veut être bien considéré au travail, il est donc naturel de vouloir de bonnes relations de travail cependant, si cela devient une obsession, il y a un risque que cela dégénère et finisse mal. A trop ruminer, on finit par mal interpréter, faire des hypothèses erronées, chercher des réponses à des problèmes qui n’existent pas et cela conduit à une certaine incompréhension, des tensions en augmentation constante voire une formation d’une certaine haine des autres. Il est bon de se rappeler que les gens sont souvent simplement occupés ou concentrés sur leurs propres tâches au travail, ce qui peut les faire paraître impétueux ou hostiles, mais la plupart du temps, il est peu probable qu’ils aient quoi que ce soit à voir avec vous personnellement. Essayez de ne pas laisser les commentaires ou le comportement des autres vous affecter négativement ou nuire à vos relations. Et si vous pensez que vos interrogations sont fondées, essayez de vous mettre à la place de l’autre, de le comprendre ou tout simplement de parler directement avec la personne concernée pour avoir son point de vue, comprendre ses mots ou son comportement.
- Vous vous posez souvent 50 000 questions afin d’atteindre la perfection ?
Le perfectionnisme n’est pas toujours une mauvaise chose car il est évidemment important que vous visiez à faire le meilleur travail possible dans n’importe quelle tâche ou projet, mais bien souvent vous perdez simplement beaucoup d’énergie et gaspillez beaucoup de temps et d’efforts. La perfection n’existe pas, de plus elle est très subjective d’une personne à une autre. Alors autant bien fixer et prioriser les exigences en amont et demander le feedback de votre interlocuteur plutôt que de ruminer.
Ces situations ne sont pas exhaustives mais bien souvent, peu importe la situation, l’overthinker a tendance soit à entrer dans une anxiété extrême pouvant conduire au burn/out ou à la dépression, soit à se dévaloriser et se démotiver ou encore à se réfugier dans les solutions faciles, c’est à dire changer de poste ou d’employeur en pensant trouver une meilleure situation sans s’interroger sur les vraies raisons de nos problèmes. Bien évidemment cela ne résout rien, bien au contraire, alors autant apprendre à sortir de l’overthinking.
Comment échapper à l’overthinking ?
Les conseils suivants valent aussi bien dans votre vie privée que professionnelle.
- Desserrer l’étau des pensées qui vous étouffent
- Reconnaître et admettre que l’overthinking vous nuit
- Prendre du temps pour soi et se trouver des distractions positives ou une activité physique à faire dès lors que vous entrez dans la rumination mentale
- Mettre en place une “police de la pensée” en écrivant “stop” sur votre table ou en vous le criant intérieurement
- Commencer à méditer
- Prévoir des temps de rumination de telle heure à telle heure si vraiment vous ne pouvez pas vous en passer, mais au moins ils seront contrôlés
- Parler de ses problèmes avec des amis/collègues “positifs” ou les écrire dans un journal de bord/intime par exemple
- Prendre de la hauteur et déterminer la direction que l’on veut donner à sa vie
- Regarder sa situation sous une autre perspective, de préférence objective ou positive
- Accepter ses émotions négatives sans leur donner beaucoup d’espace
- Noter toutes les solutions possibles
- Faire le premier pas vers une action/démarche positive
- Limiter les attentes et fixer des objectifs “smart”
- Apprendre à pardonner, aussi bien aux autres qu’à soi même
- Éviter les pièges pour retomber dedans
- Eviter les situations qui éveillent l’overthinking
- Vivre le maximum d’émotions positives
- Travailler l’image de soi
Pour en savoir plus sur l’overthinking et les solutions pour en sortir, le livre “Ces femmes qui pensent trop”, fournit de nombreux exemples concrets et vous explique en détail les diverses façons possibles de sortir de l’overthinking.
Source : Ces femmes qui pensent trop, Susan Nolen-Hoeksema 2018