« Le corps s’exprime pour conserver l’équilibre »
Vous avez consacré du temps à identifier les qualités professionnelles et humaines du candidat idéal. Le jour de la rencontre arrive. Saurez-vous repérer les indices de langage corporel des candidats afin de trouver le match parfait ?
Nous ne parlons pas ici de l’image que chacun souhaite projeter consciemment, mais des gestes, changements d’intonation, ou des micro-attitudes qui échappent à notre interlocuteur lorsque son attention est captivée par l’échange.
Claude Bernard, médecin et physiologiste français a évoqué pour la première fois en 1866 le processus d’homéostasie du corps. C’est la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes. Ce que l’on ne peut – ou veut – exprimer verbalement, le corps va l’exprimer à sa manière afin de conserver l’équilibre interne. Le lexique synergologique répertorie 1500 « items » catégorisés suivant le type d’action : boucles avec les bras, mains ou jambes, Rétroactions, Auto-contacts, Gestes ou la Statue. Le corps est économe et bouge dès lors que notre état d’esprit change.
Le corps va communiquer ce complément d’information à travers des changements de posture sur la chaise, la préhension d’objets ou par des microdémangeaisons. Ces indices nous apportent de précieux renseignements sur l’état d’esprit de l’autre à un instant T. Une fois que l’on sait quoi voir, l’œil capturera naturellement l’indice, et vous pourrez alors poser des questions afin d’en apprendre plus. Voir un geste de rejet par exemple, ne vous dit pas ce que la personne rejette. Seules vos questions permettront de le découvrir.
Donc, une fois dans le vif du sujet, voici des indices du langage corporel qui invitent à clarifier le propos, ou le non-dit.
Vous cherchez une personne principalement analytique ou humaine ?
Quel hémivisage vous regarde ?
Cet aspect se traduit dans le corps par le côté du visage qui vous regarde. Le cerveau utilise des filtres de cognition lorsque la personne présente principalement l’hémivisage droit à son auditoire. Plutôt que l’œil, repérez quelle oreille est la plus visible pour savoir de quel hémivisage votre interlocuteur vous regarde. Dès que le discours prime sur la qualité du lien, nous regardons tous nos interlocuteurs de la même manière : la tête effectue une légère rotation vers notre gauche. À l’inverse lorsque la qualité de la relation est plus importante, nous regardons l’autre avec l’hémivisage gauche, car on ne met pas de filtre à cet instant-là.
Les présentateurs du journal télévisé les plus populaires sont ceux qui naturellement regardent le spectateur en présentant le côté gauche du visage, et ce même lorsqu’ils annoncent des évènements tragiques.
C’est le côté du visage et non la position du corps sur la chaise qui vous renseigne sur la répondérance analytique ou humaine du candidat. Car toute personne qui écoute et analyse des informations complexes, va déplacer le haut de son corps vers l’angle arrière droit de son fauteuil durant l’analyse. Car à ce moment précis, la personne reçoit l’information et prend le recul nécessaire à l’analyser. Elle repositionnera naturellement le haut de son corps vers l’avant, lorsqu’elle s’impliquera de nouveau dans la conversation.
Ci-dessous Michel Collon, écrivain journaliste indépendant Belge, lors d’une entrevue sur la propagande de guerre (février 2016). Son corps est penché vers son interlocuteur et il présente son hémivisage droit, car à cet instant l’intérêt de ses propos prime sur la qualité du lien.
Cherchez-vous un leader ? Des arguments forts !
Lorsque l’on a des arguments forts à présenter le corps se rejette naturellement vers l’avant et sur notre droite dès que l’on rentre dans le vif du sujet. Ceci est particulièrement facile à voir lorsque la personne est assise en face de nous.
Les gestes naturels d’un leader sont larges et positionnés assez haut, le rythme du discours est posé, sa voix est souple. Les fins de phrases d’une personne qui est assurée de son propos restent dans le grave. Lorsque la voix se perche dans les aigus sur un mot précis, c’est le signe que ce sujet génère un inconfort. C’est le moment d’inviter l’autre à s’exprimer plus sur le sujet. La véracité de la réponse sera encore plus grande si votre question intervient lorsque la personne vous regarde avec l’hémivisage gauche puisqu’elle ne met pas de filtre à ce moment-là.
L’axe sagittal vous renseigne sur la perception que le candidat a de son rôle. Lorsque vous l’invitez à évoquer une expérience difficile par exemple, relate-t-il les faits en se positionnant au-dessus des autres, menton légèrement relevé ou baisse-t-il légèrement le front tout en vous fixant, comme un taureau qui indique qu’il peut charger ?
Ici Greta Thunberg, militante écologique de 14 ans, est invitée à faire un discours à l’assemblée nationale française (23 juillet 2019). L’axe sagittal supérieur est soutenu par le poing droit fermé sous le menton. Elle aurait pu choisir de tourner seulement la tête vers la personne qu’elle regarde, mais préfère orienter tout le haut du corps. Cette position de la tête est caractéristique d’un leader engagé dans une discussion à laquelle il attend une réponse : le menton est relevé alors que la tête s’incline vers son épaule gauche.
Tournez un irritant en avantage !
Dans les réunions, les parties-prenantes qui critiquent systématiquement sont plus faciles à identifier que celles qui quittent la salle sans mot dire et minent la crédibilité du gestionnaire ou l’esprit d’équipe, dès le pas de la porte franchi. Plutôt que de laisser cette personne être contre-productive, apprenez à la reconnaître afin de mettre à profit sa peur de « se faire avoir » pour la tourner en la qualité recherchée d’un gestionnaire des risques ! Le côté droit du corps exprime le rapport à l’autre. Le sourcil droit est un élément révélateur de la distanciation ! Chez une personne vigilante, il va être très mobile et s’élever pour notifier la mise à distance de l’autre ou de son propos.
Au même moment vous pourrez peut-être remarquer que le croisement de jambe change. La jambe qui vient de passer au-dessus de l’autre s’érige en barrière, le pied pointant maintenant dans la direction opposée à la personne qui s’exprime, ou vers la sortie. De plus la pointe du pied se crispera en position ascendante, si la tension intérieure est intense.
Un autre signe facile à reconnaitre est le pincement rapidement le nez dans un geste descendant. Le corps vous indique que quelque chose « ne sent pas bon ». Ne tirez pas de conclusion hâtive ! Seule la personne peut vous dire ce qui l’indispose. Est-ce le propos ? une pensée ?
Cette image est capturée alors que Fareed Zakaria de CNN, invite M Putin à s’expliquer sur son appréciation de M Donald Trump. M Nazaebayev est un observateur silencieux, mais son geste exprime un malaise à ce moment précis.
L’analyse des informations complexes, va déplacer le haut de son corps vers l’angle arrière droit de son fauteuil durant l’analyse. Car à ce moment précis, la personne reçoit l’information et prend le recul nécessaire à l’analyser. Elle repositionnera naturellement le haut de son corps vers l’avant, lorsqu’elle s’impliquera de nouveau dans la conversation.
Connaître la grille de lecture du langage corporel permet de savoir ce qu’il est important de voir. Ces indices sont majoritairement préconscients, et soulignent une incongruence entre le propos exprimé et l’état d’esprit de la personne dont le corps s’exprime. En posant des questions ouvertes, vous permettrez à votre interlocuteur de prendre conscience de ce qui l’anime, et de vous l’exprimer.
A lire également : Onboarding : comment intégrer de nouveaux collaborateurs dans une équipe agile